[ciné 1962] Remettez-lui ses bottes !
♦ 1962. The man who shot Liberty Valance. Réalisé par John Ford. ♦
♦ L'homme qui tua Liberty Valance. ♦
Le héros qui, son devoir accompli, s'en va solitaire... On connaît.
Mais celui qui reste là, au milieu de ceux qu'il a sauvés, et fait en sorte qu'on s'imagine que le miracle est l'oeuvre d'un autre?
"Quand la légende est plus belle que la réalité, on imprime la légende".
Quelque part, ce film s'en prend aux bases de cette mythologie des origines que le Western est aux USA. L'histoire est belle, mais fausse. Elle est seulement une justification, un élément d'une épopée qui fait rêver toute une ville, tout un pays.
Un train s'arrête dans une ville de l'Ouest. Un couple aisé et âgé en descend. Aussitôt, la cri court dans toute la ville que cet homme est là et tandis qu'il se recueille près de la dépouille d'un vieil ami, les journalistes exigent une interview. Non, non... Ce n'est pas l'homme politique qui les intéresse. C'est le héros. Le sauveur de la ville. L'homme qui a tué Liberty Valance.
Flash-back. Le "héros" raconte son histoire... et comment il n'a pas sauvé la ville.
Tout commence avec un jeune homme au coeur pur et à la valise remplie de livres. Un jeune avocat persuadé qu'il peut se rendre utile dans une ville de l'Ouest. La diligence attaquée, les bandits le laissent pour mort. Un fermier passant par là le transporte en ville et le confie aux patrons du restaurant, dont il courtise la fille. Ce qui doit arriver arrive: le fragile et intellectuel étranger venu de l'Est plaît à la demoiselle. Ce pourrait devenir un casus belli entre eux, cela ne le fait pas. Elle choisira en temps utile.
La belle choisira, oui... Ou plus exactement, celui des deux qui sait n'être pas aimé s'écartera de lui-même et la laissera partir avec l'autre. Le héros qui n'en est pas un aura donc tout.
Mais... Est-ce qu'il en est un ou bien pas? Grande question.
L'un des deux a manié l'arme qui a "reffroidi" un assassin notoire. Il l'a d'ailleurs fait sans prendre de risque puisqu'à ce moment-là, ledit assassin tenait en joue son copain le héros officiel (qui y gagne un bras cassé avant de tirer à son tour). L'autre a pris le risque de se dresser désarmé, avec seulement le droit et la loi, face à ce hors-la-loi sans scrupules ni remords en mettant sa vie en jeu.
Qui est le héros ?
Comme Cyrano et Christian, ces deux-là se complètent...
Mieux, peut-être, car c'est le coeur resté pur de toute haine que notre jeune avocat s'en retourne dans l'Est, élu par ses concitoyens. Une élection qu'il veut d'abord refuser, se croyant devenu assassin à son tour, mais son ami lui raconte ce qu'il a fait. Puis le secret s'enterre entre eux. Et les années passent.
Quant aux journalistes à qui ce récit est fait, ils ne rapporteront pas ce qui le a été confié: "quand la légende est plus belle que la réalité, imprimez la légende". Le héros restera un vieil ivrogne mort dans sa solitude, sans même une paire de bottes aux pieds.
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Un autre aspect de ce film mérite d'être mentionné, même s'il n'a aucun rapport avec les deux héros...
En 1962, le code Hays régit encore le cinéma américain. Ce système, conçu pour surveiller la moralité des spectacle comportait des règles de discrimination raciale. Ce western comporte une scène d'enseignement où l'avocat demande à ses élèves (des adultes pour la plupart, mais la ville est peu instruite) de réciter un article de la Constitution. Le seul à y parvenir est un noir. C'est l'article qui parle d'égalité des droits.
ICI, article du blog sur l'époque Hays.