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Textes, lectures et crobards sélénites
9 juin 2018

[ciné 2018] Hostiles

Je suis entrée dans la salle un peu intriguée. J'en suis sortie très perplexe. 

J'aurais aimé revoir le film pour affiner mon ressenti, mais je n'ai d'abord pas eu le temps, puis il n'a plus été à l'affiche (du moins près de chez moi).   

♦ 2018. "Hostiles"  Scott Cooper  ♦   

 Le premier aspect du film qui m'a perturbée est sa forme. Une succession de dialogues qui sont presque des monologues, entrecoupés par des scènes de déplacement ou d'action qui y tiennent une place de l'ordre du décor ou de l'anecdote à très faible interraction avec le fil principal. Une ambiance où la violence extrême des scènes d'action n'est là que pour mettre en valeur les propos pacifiques des personnages désillusionnés.  

La seconde est une étrange sensation de reprise un peu renouvellée du thème d'une part des bons indiens et des mauvais indiens, et d'autre part du héros pas toujours bien orienté au début mais qui s'en rend compte et change d'opinion et de conduite.  

Enfin, une impression de consuentalité. Vraie ou fausse, car la situation socio-politique aux USA est telle que ce film, là-bas l'est sûrement moins que chez nous, quoique tout à fait de circonstance.

2018--Hostiles

Cette affiche est celle qui trônait au-dessus de la porte du cinéma où je l'ai vu. La comparaison avec "the Revenant", que j'ai beaucoup aimé, m'a pas mal happé l'attention. Celle avec "impitoyable", inquiétée. Impitoyable est un très beau film, certes mais profondément sombre et extrêmement violent, mais sa fin évoquant la légende le ramène au niveau d'un affreux cauchemar. A l'inverse, "the Revenant" montre une réalité abrupte et terrifiante où l'être humain est broyé par beaucoup plus puissant que lui.  

Avis sur ces avis : chacun est libre de ses goûts et donc de son point de vue. 

J'ai vu pas mal de critiques évoquant le fait que ce western accorde une place aux Indiens. L'air de dire que cela est nouveau, et que l'évocation de leur point de vue sur les guerres indiens l'est aussi.

Pas tant que ça. Qu'on se souvienne de "Danse avec les Loups" : la place des indiens et de leur culture y est beaucoup plus grande (cependant, la fin du film "Danse avec les Loups" est plus douce que celle du roman, et la culture indienne moins approfondie). On dit aussi qu'il y est question des massacres envers les Indiens, ce qui n'est pas habituel. Le thème est pourtant devenu un classique depuis un moment ("le soldat bleu", 1970, était terrible et poignant, sur ce sujet, et avec un héros qui se rend compte de son erreur trop tard). D'après ce que j'ai vu dans l'Encyclopédie du Western (Patrick Brion), il y a même eu des westerns abordant les injustices envers les Indiens dans les années 30 (pour critiquer l'avidité des industriels, il est vrai). Et plus près de nous, même si cela n'est abordé que sur quelques scènes, c'est évoqué de façon terrible dans "the Revenant", via les délires du blessé en flash-back, le fil secondaire de la femme capturée par les trappeurs et les soin traditionnels donnés par le vieil indien.

Ici, la place des indiens est d'une part le point de vue d'un vieux chef cheyenne, exactement "miroir" de celui de l'officier (et visiblement voulu comme tel), et d'autre part, celui des comanches qui n'ont pas posé les armes alors que pourtant, tout est perdu et qu'il n'y a plus rien à gagner. Plus rien à gagner ? Cela revient à prétendre qu'une vie pitoyable dans des conditions affreuses vaut mieux qu'une mort honorable.

Oulà... si je pars par là, ça va virer au sujet de Philo pour le Bac.

Bref... ce n'est pas le "point de vue indien" ni en face le "point de vue blanc". C'est celui d'un homme mûr qui réalise au contact d'un vieillard la vacuité des actes qu'il a menés.

Excellente occasion de placer une de mes citations préférées :

"Je ne sais qu'une chose : vous vous battrez sans répit.
Partout où il y a des êtres vivants, la guerre est permanente.
Nous autres Indiens, nous approchons de notre fin.
La vôtre viendra aussi." (Cochise)

Croyant fermement que l'intention du réalisateur est très exactement cet effet de miroir, et étant d'accord avec, je ne vais pas le critiquer. Et d'ailleurs, cette insistance sur la relativité des faits au point de vue adopté, est assez nouvelle (puisque nouveauté on cherche). Peu de films ont ainsi mis en balance les deux regards. 

Il reste assez peu objectif de dire que ce point de vue est celui d'un Indien. C'est seulement celui d'un homme de notre époque sur les faits d'autrefois, ou bien d'un homme tout court sur les questions d'incompréhension et intolérante ethnique.

Yellow-Hawk

Détail en passant...

Dans le film, ou tout au moins dans sa version française, le chef Yellow Hawk est Cheyenne. Il y a réellement eu un chef portant ce nom. Mais sioux, et son action est assez solidement antérieure à la date donnée pour le film. Toutefois, il a laissé deux fils portant "Yellow Hawk" en nom de famille. Farfouiller Google avec ce nom est un travail de romain (on est renvoyé sans cesse sur le film). On trouve pourtant deux ou trois pages intéressantes mais pas assez pour entrer dans les détails.

Et m'éloigner encore de mon propos...  

chief-Yellow-Hawk-2

Le déplacement s'effectuant vers le Montana et étant argumenté de cartes durant le film, je suppose qu'en VO il est également Cheyenne (encore que n'ayant pas revu le film,  je n'ai pas vérifié lesdites cartes). C'est de toute façon un détail détaillissime.

Cependant, je ne peux m'empêcher de songer à "Danse avec les Loups" où les Comanches du roman sont devenus Sioux dans le film. Et cette interchangeabilité des ethnies me tricotte la cervelle. En fonction de quoi les réalisateurs choisissent-ils ?

Rien à faire, je tiens à diverger...

Historique ou simplement symbolique, le personnage remplit tout aussi bien son office.

La véritable opposition du film n'est pas entre Blancs et Indiens mais hommes de bonne volonté et hommes avides et/ou haineux. 

Là aussi, l'intention du réalisateur est assez claire. Par contre, on est assez loin de la nouveauté. Le thème est même (hélas, trois fois hélas), bigrement ancien. 

Et là, je copie-colle encore une citation. Du réalisateur, cette fois.

"J'ai toujours voulu réaliser un western, mais je tenais à le faire à ma façon; je voulais qu'il soit pertinent au regard des questions raciales et culturelles qui agitent actuellement l'Amérique. Nous sommes tous conscients des mauvais traitements qui ont été infligés aux Amérindiens, mais on peut voir le même schéma se reproduire aujourd'hui avec les Afro-Américains ou la communauté LGBTQ"
(Scott Cooper, voir la page en lien ci-dessus).

Le film se déroule en 1892, c'est à dire deux ans après le tout dernier massacre (Wounded Knee, 1890, Dakota du Sud). La date est peu évoquée en tant que telle dans le film, mais indique clairement qu'on est à la toute fin des résistances indiennes. Le Montana (un chouia plus à l'ouest) a atteint le statut d'Etat en 1889.

Et me voici retombée sur les Comanches, qui ici jouent les méchants. Bien sûr, il y a des méchants aussi du côté des Blancs, mais j'ai un peu de mal à les placer sur le même pied. Les trappeurs sont des hommes désireux de femmes à "se taper", et les éleveurs des colons qui n'ont aucune intention de remettre en question des préjugés qui servent leurs intérêts. D'un côté, on trouve différentes formes de rapacité. De l'autre une haine de vengeance. On est plus dans le cycle des causalités que dans une symétrie.

Et là, je vais commencer à froncer le sourcil. A propos de la cohérence du scénario (qui, on l'aura compris, n'est qu'auxiliaire, l'essentiel du film étant dans les dialogues & monologues).

Que les comanches soient obstinément attachés à leur combat : aucun souci, même si cela revient à une forme de suicide collectif. Que le fils du chef parvienne à tuer tout le groupe pendant la nuit et revenir au camp sans même qu'une éraflure dénonce son expédition, c'est déjà plus douteux. Admettons.

Que les trappeurs attaquent trois femmes dont une Blanche (vêtue en Blanche et non comme une captive des Indiens) sans même surveiller ensuite les environs de leur camp, c'est nettement plus douteux. Non seulement ce sont des phallocrates violents mais ce sont aussi des imbéciles encrassés. Il aurait été logique qu'ils se demandent si elles étaient accompagnées et prennent connaissance de la chose avant de passer à l'acte. 

Que les éleveurs soient assez racistes pour refuser qu'on enterre un vieillard chez eux, ou bien assez intelligents et prévoyants pour comprendre que ce serait reconnaître que les terres appartenaient aux Indiens : admettons. Qu'ils soient assez cons pour s'en prendre sans hésitation à un militaire en mission, c'est assez surprenant. Les lieux étant "pacifiés", ils ne pourront mettre l'attaque sur le dos des Indiens. Reste les hors-la-loi. Et bien sûr l'espoir que personne n'ait croisé la petite troupe récemment et puisse témoigner de leur passage. Dans tous les cas, si le militaire en mission avait sauté sur son cheval en abandonnant ses protégés (attitude tout à fait plausible), ils auraient été rudement mal embarqués.  

Enfin... crénom d'un chaudron, comment se fait-il, après une telle traversée de l'enfer, qu'on retrouve à la gare le militaire en costume élégant, la dame en jolie robe avec même une broche au cou et le gamin avec une cravate ? Et tant qu'on y est... pourquoi a-t-on laissé cette femme que rien n'attend nulle part accompagner l'expédition jusqu'au bout alors qu'elle serait logiquement considérée comme une charge ? Et une fois arrivée, pourquoi prend-t-elle le train pour l'Est alors que rien ne l'y attend ? 

Au final... 

Me voici après ce bilan avec l'impression d'avoir assisté à une pièce de théâtre à décor animé comme si on y passait un documentaire. 

Devant les "huit salopards", j'avais eu l'impression d'une pièce de théâtre qu'on aurait fait écrire par Agatha Christie, mais cela restait actif et rempli (débordant) d'interractions entre les gens et les choses, avec implantation solide dans les contraintes et particularités d'une époque. 

Cette fois, ce serait plutôt à le Huis Clos" de Sartre. Et les paysages superbes et immenses n'ôtent rien à cette impression. Ce fut une sensation étrange. Vraiment étrange. Une suite de propos somme toute intemporels et qui pourraient aussi bien (ou presque) se placer dans les bouches de gens de notre époque assis autour d'un livre sur l'histoire des guerres ou de la colonisation. 

2018--Hostiles--2

Conclusion ?

Je ne sais pas.

La forme est conceptuelle.

Le fond philosophique.

Ce n'est pas inintéressant, mais est-ce bien du Western?

Si on considère un Western comme un film se déroulant dans le Wild West, la réponse est oui. Si on y ajoute des critères restrictifs, c'est moins sûr.

Pour ceux qui veulent que le western possède des bastons : il y en a, mais très brèves et secondaires. Pour ceux qui veulent des grands espaces : il y en a, mais le dialogue pourrait tout aussi bien se dérouler dans un endroit fixe. Pour ceux qui veulent le contexte d'éloignement des lieux civilisés : il y en a, mais cela n'ajoute pour ainsi dire aucune contrainte matérielle. Pour ceux qui (comme moi) veulent une interraction entre l'histoire et les particularités du contexte : il y en a, mais c'est presque artificiel.

Toujours aussi perplexe, je remonte sur mon rayon de lune...

 

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Ma pomme de sélénite

J'écris en
Western / années 40 /
Urban Fantasy
Space Opera /
Anticipation

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Croquons la lune à pleines dents:
elle repousse toujours ...
(devise sélénite)

V--Howahkan

Howahkan. - roman
   Western.
       1867. Nouveau Mexique.
         Où les pistes s'entrecroisent...
                                    Achevé
                           Autoédition en cours


Ange Martin.- roman
   Psycho & Hstorique.
      Certaines déchirures
         ne guérissent jamais.
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V--Martin

Tutore Noctis.- Série de grosses nouvelles
   Urban Fantasy.
      Y'a des accidents de travail
        qui vous changent l'éternité...
                                     Ecriture par ci
                                         Peaufinage par là.

Errances Galactiques.- roman
   Space Opera.
      Un peu d'agitation humaine
         dans le calme infini des Etoiles.
                                   En cours de peaufinage.
Encore sans titre.- Roman
   Western.
      Le calme ne se prend pas
          au piège comme un castor...
                                   En cours d'écriture.

Contes divers.

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                          Publication sur un autre blog
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Une large majorité des extraits
présentés ici est prélevée sur des
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