Extrait = encore là, malgré tout
Trois ans, déjà. Trois années qui ont paru à Marie durer trois siècles et qui pourtant n'ont pas cicatrisé le moins du monde sa blessure. Dans son cœur, le sang de Niklas coule toujours sur le trottoir.
Tué pour les cartes dans son portefeuille, a dit la police. Marie sait qu'il n'y avait pas que cela, mais elle n'a pas osé parler de ces gens un peu bizarre pour qui il effectuait des travaux informatiques dont il ne voulait pas lui donner les détails. Elle a sans doute eu raison, car deux mois après, un homme tout aussi bizarre que ceux-là, mais qu'elle ne connaissait pas, est venu l'interroger. Elle s'est méfiée. Etait-il de leur côté ? Etait-ce un flic ou un truand ? Pourquoi lui aurait-elle dit ce qu'elle savait ? Et d'abord, que savait-elle ?
Rien. Rien de rien. Niklas venait de sortir de chez eux pour se rendre à son boulot. Il était programmateur holographique. Ils vivaient dans le Losange, dans un appartement souterrain. Il n'y a pas beaucoup d'immeubles souterrains qui y soient en bon état, sauf au niveau de la magnétogare, mais c'est un coin particulièrement dangereux. Comme l'ascenseur principal était en panne depuis plusieurs années, ils sortaient souvent par une petite porte mal éclairée. C'est là que le drame s'est produit. Elle n'a pas vu les assassins. Comme une conne, elle s'était arrêtée devant un miroir pour vérifier son maquillage. Un passant l'a trouvée en train de secouer le corps, totalement hystérique. Ça aussi, c'était con.
Trois ans plus tard, elle habite encore la ville souterraine, et elle compte bien y rester pour toujours. Niklas a été tué tout près de la porte sur l'extérieur. Dans une étroite ruelle à l'air libre, juste un peu enterrée sous des passerelles, des antennes, des engins en tous genres. Là où la lumière commence à baigner le sol. Il y avait du soleil ce jour-là, et des ombres brutales dessinées sur le goudron. Elle déteste le ciel. De toute façon, il est toujours gris. En plus, c'est de là que tombent ces saloperies de pluies toujours polluées. Elle n'habite plus le Losange. Basta. Loin, très loin de cette puanteur crasse, du kerag qui se déverse partout et du sang qui tache les murs gris. Ce cauchemar, elle ne le laisse exister, revenir dans sa vie que quand elle le veut bien.
Ses collègues et plus ou moins copines de boulot veulent qu'elle retrouve quelqu'un. Elle sait. Il faut continuer à vivre. Elle pourrait même réaliser ce fameux rêve qu'il avait et qui la rendait enragée. Sauf que les autres gars, ils sont tous nuls. Vides. Artificiels. Synthétiques. Ce ne sont pas des hommes mais des choses, des images, des robots. Ou peut-être que c'est elle qui en est un ? La tripotée de mioches dont Niklas rêvait lui fait collectionner la littérature enfantine. Les contes pour enfants remplissent la dictoliseuse à hologramme grandeur nature qu'elle a installé près de son lit. Quand elle est seule, elle s'endort en écoutant la voix cristalline d'une fée lui raconter Boucle d'Or. Au lieu d'être maman, elle devient petite fille.
Thème : "Mort / Funèbre".
"Sinistre DiscoBall" / saison du Rat (1°/12)
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Extrait préparé en juillet 2017.
Etat du texte à cette date :
en cours d'écriture.
Etat de cette partie du texte :
2° jet / peaufiné.
Etat à date de parution de ce post :
1° jet entier.