18 février 1915 [hommage à un bisaïeul]
Ce texte a déjà été publié, il y a trois ans (et demi), sur mon autre blog.
Je le remets ici aujourd'hui, à l'occasion du 11 novembre.
La sape vient de s'effondrer.
C'est fini.
Marius ne rentrera pas.
Au-dessus de lui, les bombes creusent des cratères, les hommes sont déchiquetés. Lui est seulement enseveli. Le choc l'a-t-il assommé ? A-t-il essayé de se dégager ? L'oxygène s'est vite raréfié dans son sang. Comme un petit cœur mécanique, sa montre a continué à battre, puis elle s'est arrêtée à son tour.
Le premier jour, le deuxième jour, le troisième jour, il reste là, sans qu'il vienne à l'idée de personne, à l'arrière, de rayer son nom de la liste des hommes disponibles. Il est là, et en même temps, il n'y est plus. Il est mort, mais il fait encore partie de ceux qui, dans les chiffres, combattent sur le front.
Ce n'est qu'au bout de deux semaines que sa disparition est signalée.
Sa disparition. Pas sa mort.
Comme tous les hommes du « Génie » enterrés par une sape écroulée sur eux, Marius ne peut pas être déclaré mort. Personne n'a vu son cadavre.
Comme les marins qui ont péri en mer, il est seulement « disparu ».
Étrange.
Pour un charpentier de bateau.
Partager la non-mort des marins.
Parmi les morts du champ de bataille où il vient de tomber se trouve un village. Un village où personne ne reviendra après la guerre. Un village qui ne sera plus qu'un bout de terrain pris et conservé par celui-ci ou celui-là.
Quelque part, même pas si loin de tout ça, puisque là bas aussi il tombe des bombes, une femme et trois fillettes attendent le retour de celui qui ne reviendra pas.
Sous la tempête de la Marne, le naufragé englouti rêve de la brise marine.