Extrait = regard de rat...
Clapotant sous les branches flottées, elle brillait d'un soleil éblouissant quand j'y ai croisé l'odeur du deux-pattes. Je suis curieux. Je l'ai suivie. Un vent léger soufflait au-dessus de la rivière, informant des bêtes se trouvant en aval du coude où j'ai mon terrier. Quelques loups dévorant un vieux wapiti. Des corbeaux attendant la carcasse. Une troupe de castors transportant des branches.
Puis j'ai croisé l'odeur d'une demoiselle de mon espèce, pas très loin de l'empreinte laissée par un ours dans la terre du rivage. J'ai trotté vers la ratte, qui se gavait de saumon abandonné ventre ouvert. Nous avons dégusté ce repas ensemble, affamés que nous étions, et conscients qu'il ne tarderait pas à s’abîmer jusqu'à la puanteur ou être dévoré par l'un ou l'autre charognard plus vorace que nous. Le deux-pattes était-il dans les parages ? En tous cas, nous ne l'entendions pas, ni ne le sentions. Il y avait par contre des corbeaux, des fourmis et d'autres rats, qui banquetaient sur les poissons éventrés par une plantigrade aux goûts délicats qui n'en avait dévoré que les entrailles et la tête. Fabuleuse pitance pour nous tous. Festin débordant qui se reproduisit le lendemain, et bien souvent par la suite.
En cherchant un lieu propice au terrier dans lequel ma compagne mettrait bas, je découvris qu'une famille de rats logeait tout près de la tanière du deux-pattes et ne le craignait pas. Il tuait beaucoup de bêtes, mais ne s'intéressait pas à eux et les reliefs de sa chasse les nourrissait. Le deux-pattes était pour eux ce que l'ourse était pour moi. Un voisin trop puissant pour se soucier d'une si petite présence mais pourvoyeur d'une nourriture régulière.
Un jour, le deux-pattes marcha tout près de mon terrier, examinant au passage les traces de l'ourse. Un chevreuil s'abreuvait non loin de là, et quand il se remit en marche, se rapprocha. Caché entre un rocher et des branches échouées, le deux-pattes le guetta attentivement, et en fit sa proie. Le corps tomba juste devant mon terrier qui s'emplit de l'odeur du sang chaud, annonçant peut-être un bon repas de déchets différents. J'observai le deux-pattes s'accroupir et planter dans le cou de sa victime une espèce de grande griffe qui en acheva l'agonie. Ensuite, il le souleva et reposa plusieurs fois, pour finalement le placer sur son dos et l'emmener.
Cette proie était loin de posséder l'énorme masse d'un orignal. C'était juste un chevreuil, et pas le plus gros qu'on puisse voir, mais cela restait un animal de bonne taille, et le deux-pattes l'emporta ainsi. Il n'était pas aussi énorme qu'un ours, mais je n'avais jamais vu de prédateur agir ainsi. Même les loups quand ils traînent leurs proies, ou les lynx quand ils les portent dans un arbre, ne les soulèvent pas ainsi pour les porter sur leur dos.
Il ne resta devant mon terrier que de la terre imprégnée de sang. Les fourmis s'y nourriraient, mais ni moi ni mes petits.
Alors que je la contemplais, intrigué et dépité, une fouine s'approcha et tandis qu'elle flairait le sang à son tour je rentrai bien vite dans mon terrier. Ensuite, elle poursuivit sa route vers le bas et traversa la rivière par le barrage des castors tandis qu'un porc-épic s'arrêtait près de ma maison pour grignoter un petit arbre fraîchement sorti du sol.
Extrait... tiré du même chapitre que celui présenté
au 83° concours d'Extraits du forum Jeunes Ecrivains (décembre 2019). Mais pas le même extrait. Thème : "face à la nature".
Roman Western "Matoskah" (titre provisoire) |
Texte présenté tel qu'à date du concours,
sans retouches ultérieures.
Etat du texte : Ecriture / 1° jet
(et encore assez peu avancé)
Etat à date de parution de ce post :
en cours d'écriture 1° jet
( mais un peu plus avancé).