Non, il ne s'agit pas d'un gros bêta qui lit un livre.
Alpha, Bêta, Gamma... à la fin on trouvera oméga, mais on s'en fiche, de lui (et de Gamma aussi, du moins pour le moment). Ce qui compte, c'est Bêta : la seconde lettre de l'alphabet (grec, ici). Le bétalecteur est la seconde personne à prendre connaissance d'un texte. On peut, selon cette logique, dire que l'alphalecteur est l'auteur, mais à vrai dire la question ne se pose pas souvent. En ce qui me concerne, j'ai envie de qualifier d'alphalecteurs ceux qui donnent un avis sur des extraits pas toujours achevés, ou même le futur bétalecteur quand il parcourt le texte rapidement une première fois.
Pendant l'écriture du premier jet et même pendant le peaufinage, l'auteur est plus ou moins "seul juge". Même s'il reçoit des avis sur tel ou tel passage, il est seul à connaître la structure du récit.
La lecture d'extraits "pour avis", pendant l'écriture, peut aider à ajuster le style et amener l'auteur à se poser des questions sur les personnages qu'il a créés et donc la logique interne du texte. Pour un avis global du texte, il faudra une lecture intégrale.
L'avis final, c'est celui que le lecteur gardera après avoir passé le point final. Ou du moins, celui qu'il aura juste après avoir lu, car il arrive que l'avis "à froid", c'est à dire quelque temps plus tard, soit différent.
C'est aussi un avis sur la structure globale, totalement impossible à donner d'après des extraits ou bien le début du texte.
Éventuellement sur les fautes de syntaxe, conjugaison et pourquoi pas orthographe (mais ces dernières, seulement quand ça nous frappe l’œil, car ça relève de la correction. Celles de conjugaison aussi, d'ailleurs, mais comme elles peuvent jouer sur le syntaxe...
Ceci étant, en bétalecture, on s'intéresse plutôt à la beauté de la phrase et à sa fluidité, qu'à sa rectitude. Il arrive même que les deux ne correspondent pas entre elles !
Il faut aussi évaluer si la forme des passages fait bien ressortir leur fond. C'est à dire si la syntaxe et le vocabulaire mettent en valeur ce qui est raconté.
Et puis, très important : c'est un travail d'équipe. Durant l'écriture, l'auteur.e a pu choisir d'être seul.e sur son texte, ou bien de demander des avis. Il est en quelque sorte en tête à tête avec sa muse, son inspiration ou lui-même (chacun choisira son interprétation). Au moment d'entamer la bétalecture, il renonce à cette solitude.
C'est un moment potentiellement chargé de stress, et qu'on peut être tenté de zapper.
Envoyer le texte aux éditeurs tel quel est une très mauvaise idée, et le publier en autoédition encore pire. Le bétalecteur sera peut-être féroce mais c'est "pour la bonne cause" c'est à dire pour améliorer le texte. Le rôle du bétaecteur.e n'est pas de déverser des compliments mais au contraire de critiquer tout ce qui peut l'être... en évitant tout de même de décourager l'auteur.e.
Donc : un travail d'équipe, où il est essentiel de bien choisir ses équipiers.
C'est une grosse responsabilité, une bétalecture.
Évidemment... on peut aussi l'aborder en dilettante, sans se poser de question et comme on lirait un livre ordinaire, mais ce n'est pas ainsi qu'on arrivera à donner un avis détaillé.
Chacun a sa méthode, bien sûr, et je ne vais expliquer que la mienne. On peut s'organiser autrement.
Déjà, il y a le choix des bétalecteurs...
Certains auteurs en veulent le plus possible, d'autres un nombre limité, et j'ai même une fois bétalu quelqu'un qui n'en voulait qu'un.e seul.e, par peur de s'embrouiller dans des avis contradictoires.
Certains les veulent habitués du genre littéraire à commenter, afin qu'ils en connaissent les besoins, standards et goût du public et/ou des éditeurs. D'autres préfèrent les avoir aussi divers que possibles, afin d'obtenir des sons de cloche variés.
En tant qu'auteure, j'aime en avoir entre deux et quatre, afin d'avoir plusieurs sons de cloche, mais ne pas me perdre dans des tas de fichiers à consulter avant de repasser sur le texte. En fait, il faut aussi tenir compte de la finesse avec laquelle lesdits bétalecteurs commenteront le texte, car certains mettront des annotations un peu partout et d'autres seulement un commentaire détaillé pour chaque chapitre.
En tant que bétalectrice, je commence par une alphalecture, qui permet de donner un avis global, sur la structure et la fluidité. Si cette lecture est franchement négative, ce n'est pas la peine de continuer et il vaut mieux que l'auteur.e reprenne son texte à fond avant de me le renvoyer. Elle peut aussi être négative partiellement, sur certains chapitre ou ensembles de chapitres. Là aussi, il vaut mieux retravailler avant de me renvoyer pour la seconde lecture, mais si le début est correct, je peux reprendre tout de suite au début.
Il m'est arrivé de faire peur à une auteure, avec mon avis de première lecture. Elle s'est attendue à ce que ce soit encore plus féroce chapitre par chapitre, et a été très agréablement surprise de constater qu'en fait, non. Comme quoi, ce début n'est pas forcément l'étape la plus douce.
Il est aussi arrivé que mon premier avis soit "y'a des trucs que je n'ai pas compris mais ça ira sans doute mieux en lisant lentement et il y aura juste quelques chapitres à reprendre"... sauf qu'en fait, ce qui n'allait pas c'était que l'auteur se dispersait dans tous les sens et noyait son texte de détails inutiles et contradictoires. Problème de structure et même de fond.
Arrive ensuite la deuxième lecture, hyper-attentive.
Et là... attention le crayon rouge va tomber un peu partout.
Parfois, c'est en commentaire dans la marge du fichier DOC ou ODT. Parfois, c'est directement sur le texte, en écrivant rouge et/ou surligné. J'aime mieux en rouge sur le texte, car cela permet d'écrire plus de choses, quand un passage exige des remarques à toutes les lignes.
Tout y passe ! Tout ce qui ralentit la lecture ou juste m'interpelle en passant. Il arrive aussi que je pointe un passage qui me plait particulièrement, mais ce n'est pas l'essentiel. Ensuite, par petits ou gros morceaux, je renvoie ça à l'auteur.e. Le mieux, c'est chapitre par chapitre, mais ça dépend un peu de leur longueur et/ou de ma vitesse de lecture. Laquelle dépend de mes disponibilités et éventuelles préoccupations du quotidien.
A chaque envoi de fichier à l'auteur.e, parfois un petit avis, tenant sur quelques lignes... ou bien sur beaucoup de lignes !
Au point final de la deuxième lecture, c'est à l'auteur.e de jouer, sauf si les autres bétalecteurs n'ont pas encore terminé et/ou s'il veut laisser reposer encore un peu son texte avant de le retoucher, histoire d'avoir un retour plus distancier dessus et/ou d'avoir lu attentivement les avis.
J'espère pouvoir renouveler l'expérience d'ici peu.