Les Tigres étaient peut-être des fieffés salopards et des fous sans caboche, mais se trouver face à eux avait quelque chose de troublant. Ces gens-là étaient réellement différents. Leur force d'âme incitait au respect. Si Yann n'avait pas senti peser sur lui les regards des caméras et des officiers présents à ses côtés, il aurait salué en leur direction.
Au fond de sa mémoire, il entendait résonner le rire du jeune Jenoran, quand il lui avait appris sa mutation sur 99M. Il n'aurait jamais pensé, en ce temps-là, que ce gosse de riche puant de prétention réussirait à survivre parmi les Tigres, mais c'était arrivé. Ce demi-dendronien abruti de psychotropes s'était transformé en dieu du combat spatial. Dans les soirées mondaines, le président ne manquait jamais une occasion d'évoquer la vaillance au combat du petit-fils de sa défunte meilleure amie. En vérité, l'hypocrite concevait ce héros comme une arme de propagande qui deviendrait bientôt dangereuse. Le jeune Jenoran avait quarante-cinq ans : trop âgé pour piloter, il serait bientôt revenu sur Terre.
Mielleux et extravagant, Ovocar avait toujours su étonner et amuser. Ce démon masquait ses agissements derrière des clowneries et prenait, disait-on, un plaisir sadique à trahir ceux qui lui faisaient confiance. Il avait beaucoup employé la défunte Moehna Janhur pour avancer en politique. Cette femme était une fieffée salope mais ni mégalo ni cinglée. Au contraire. Elle était impitoyable, autoritaire, experte en l'art de deviner les intentions et cerner les espoirs. Yann, autrefois, la détestait avec mépris, mais il prenait de plus en plus conscience que cette espèce de machine humaine possédait plus d'empathie que la plupart des gens. Cette vieille carne était fréquemment accusée par ses adversaires d'être trop tolérante envers les Hommes-Plantes, en même temps que la presse clandestine vitupérait l'inverse. Yann, autrefois, en concluait un esprit égoïste et retors, mais avec l'âge, il imaginait plutôt une grande finesse au service d'opinions bien ancrées. Son petit-fils ne lui ressemblait pas, mais elle aurait sans doute été fière de lui.Si une machine à voyager dans le Temps avait placé le général Upral face au nigaud obstiné qu'il avait été jusqu'assez tard dans l'âge mûr, il lui aurait craché son dégoût au visage.
Un droïde de communication aux manières élégamment programmées proposa son bras au vieil humain tout en lui exposant de sombres alignements de messages et de chiffres.
Assis près d'un pupitre, trois enfants d'amis proches et un petit-neveu de Yann surveillaient son approche. Des jeunes cons en uniforme trop gradé pour leur inexpérience. Il n'eut pas la force de les mépriser. Il avait été comme eux. Un fils-à-papa naïf et persuadé d'être une créature évoluée, tenant dans sa main un avenir détruit d'avance.
En ce temps-là, il avait aimé une fille belle et intelligente. Quand elle avait été envoyée en redressement mental à la suite de quelques mots malheureux lâchés par son frère... il l'avait effacée de sa mémoire. À présent, elle hantait un coin de son cœur. Insidieusement. Perfidement. Elle l'accusait d'être un pleutre, et elle avait raison.
Le ministre fit signe à un droïde d'approcher.
« Est-il possible d'afficher sur l'écran les immatriculations des chasseurs ? »
Employé pour le 91° concours d'extraits du forum Jeunes Ecrivains.
(septembre 2020) Thème "Antipathique".
Roman "Errances Galactiques".
|
Tous les messages concernant
les Errances Galactiques en cliquant ICI.
Etat du texte
au moment du découpage de l'extrait :
énième peaufinage du texte,
avant bétalecture.
Etat à date de ce post :
en pause.