Dans mon post du 22 janvier 2022, j'ai évoqué un de mes textes sur lequel une copinaute a parlé de "fan service"... et dans son cas, le "fortement" de la définition ci-dessous s'était égaré en chemin, le passage n'étant pas construit en ce but. Une extension de langage, ai-je envie de dire.  

Là, on va parler du concept en lui-même.

Fan service - Wikipédia

Le fan service (ou fanservice, abrev. fanserv) est une pratique qui consiste à alimenter la passion des fans et leurs fantasmes avec des contenus digressifs ou superflus qui leur sont spécialement destinées, généralement par le biais de situations à forte connotation sexuelle ou érotique.

http://wikipedia.org

Et l'horizon contemplé ne sera pas ma palette d'écriture mais juste le domaine des mangas, où la présence de fan-service est plus que fréquente.

Qui n'a jamais remarqué ou entendu parle de la petite taille des jupes d'uniforme, dans les mangas pour ados ? On a beau se dire qu'elles sont en pleine croissance, ça détonne ! Ce format rikiki se retrouve sur d'autres tenues que les uniformes scolaires et entre carrément dans la liste des clichés du genre shōnen.

Bakuman-2--ep-16----bLà, déjà, il faut éviter de tout mettre en bloc. Le manga est un univers certes différent de la BD franco-belge par plus d'un aspect, mais c'est aussi quelque chose de très varié. Toutes les classes d'âge y trouvent quelque chose, et il y en a aussi pour tous les caractères et centres d'intérêt. Rien que de très normal, mais rappelons-le.

Je suis née au moment où les premiers mangas animés arrivaient en France. J'ai vu la juxtaposition de X-Or avec Goldorak, deux œuvres à nombreux points commun mais distinctes du fait que l'une était dessinée l'autre avec des acteurs. J'ai connu le temps où les mômes regardaient Candy sans s'interroger sur la culture nippone. Les premiers mangas animés sur nos écrans ne portaient pas de façon flagrante leur origine du bout du monde.

C'était aussi l'époque où le dessin animé japonais était forcément brutal ou guimauve (selon les adultes) et où on n'imaginait pas qu'un dessin animé puisse être pour les ados et non pour les enfants. L'époque où se bâtissait une masse de préjugés sur le Manga. Accessoirement, ce même temps (première moitié des années 80) était aussi celui des Cités d'Or et d'Ulysse 31, où l'ultraviolence comme la guimauve sont évités. Birarrement, ceux-là étaient moins mentionnés, quand on parlait de "dessin animé japonais". C'est drôle comme "les adultes" peuvent avoir le jugement sélectif, des fois...

Cat-s-Eyes--3Je me suis souvent demandé comment avaient été choisis les animés proposés à l'époque au jeune public. Il est pourtant évident que des trucs comme Nicky Larson ou Cat's Eyes sont destinés à des garçon adolescents plus qu'à des morveux de huit ans ! Enfin bon... c'était aussi l'époque où les muscles de Rahan et le flingue de Captain Apache fréquentaient les pages de Pif Gadget au même titre que Dicentim le petit Franc.

Bon... on va essayer de ne pas digresser dans les souvenirs.

Dans le cas de Cat's Eyes, le "fan service" pète les yeux. Non seulement la tenue de travail de ces trois cambrioleuse est sexy mais elle n'est pas rationnelle. Non mais sans blague ? Un masque sur la figure, ça ne leur dit rien ? Et à quoi ça sert, ces ceintures flottantes ? C'est quoi ces talons ultra-hauts? Ces cheveux dans le vent, au risque de les avoir dans les yeux ? On passera sur les décolletés, mais c'est bien parce que ça peut déconcentrer les adversaire et que je leur accorde le droit à cette stratégie. n'empêche que ça reste du "character design" typique de la "guerrière sexy" (dans un contexte moderne et polar) dont j'ai appris avec l'âge à me méfier.

Je ne connais pas la version originale de Cat'Eyes,
mais je pense que le trio doit y être désigné comme "kitsune" (renard),
ce qui pourrait "expliquer" la ceinture flottante.
Remarque totalement hors-sujet...

Je n'ai pas l'intention de faire un catalogue des vieux mangas avec clichés, alors autant ne pas m'étendre et passer à la suite. Je me connais, ça pourrait durer des plombes, et il n'est pas dit que ça ne le fera pas.

Dans un tout autre genre, et nettement plus récent, il y a un truc intitulé Bakuman. J'ai découvert le manga en BD voilà assez longtemps et quand je suis tombée sur l'animé, je me suis jetée dessus. Du même coup, j'ai appris comment ça se termine et même se déroule, car je n'avais lu que les deux premiers tomes...

Bakuman, c'est un tableau détaillé de l'univers où naissent les mangas, et c'est passionnant. L'édition japonaise est un monde très distinct de ce qui existe chez nous ! La première différence frappante, c'est l'interaction puissante entre auteur, éditeur et lecteur. Les séries japonaises longues comme un fleuve chinois y trouvent une explication presque flippante : elles ont dominé des tonnes de fois le vote des lecteurs et quand le besoin s'en faisait sentir, été redressées par leurs auteurs conseillés par le responsable éditorial. Sérieux... moi, ça me file le vertige, d'y penser.

C'est très fourni, Bakuman. On y voit les mangaka confrontés à toutes sortes de situations et difficultés. Parmi les problématiques abordées, il y a les célèbres "plan culotte". Autrement dit : le fan-service érotisant. En version animée, ça se trouve à l'épisode 16 de la deuxième saison.

Bakuman-2--ep-16----cSituation : Aoki a pondu un très chouette projet, pour lequel son responsable éditorial voudrait la faire travailler avec un dessinateur sachant employer le scénario en fan-service. Elle a déjà travaillé avec un dessinateur qui ferait cela très bien, mais la suggestion n'est que modérément accueillie, car ils se sont fâchés, suite à ce qu'on peut nommer du harcèlement sexuel.

Il faut trouver quelqu'un d'autre, soit pour dessiner l’œuvre soit pour apprendre à Aoki comment corriger son style. Le duo Ashirogi (c'est à dire les deux héros) lui conseille d'abord de demander conseil à Fukada, un de leurs amis, qui excelle dans ce domaine, mais Aoki et lui ne se supportent mutuellement pas, et elle refuse de lui demander de l'aide. Ils ne sont pourtant pas ennemis ni même fâchés et au niveau professionnel se portent de l'estime l'un à l'autre. Un bon duo potentiel, mais une féroce querelle d'égos.

La copine d'un des deux Ashirogi propose alors un autre nom, que le duo déconseille immédiatement d'une seule voix. Aoki demande tout de même à lui être présentée. C'est un désastre. Le mec est un butor orgueilleux, et Aoki découvre que le harcèlement par un collègue trop amoureux est largement dépassé par la simple personnalité de cet autre dessinateur. Le mec en question accepte d'être engagé comme assistant chargé des "plan culotte" mais demande à ce qu'elle prenne la pose en petite tenue pour servir de modèle.

Bakuman-2--ep-16---aRetour à la case départ ? En fait non, car pendant que le scénariste Ashirogi et sa copine présentaient le lourdingue à Aoki, le dessinateur Ashirogi a expliqué la situation à Fukada qui vient lui-même proposer ses conseils, tout en précisant qu'il ne sera pas un professeur indulgent. Pas de chichis et encore moins de photos graveleuses, mais des conseils téléphoniques sur des planches envoyées par Fax. Coup de main gratis de la part d'un confrère qui n'y gagne que de perdre du temps. Malgré leurs caractères en friction permanente depuis qu'ils se connaissent, c'est donc lui qui est choisi. Bien qu'il ne fasse que donner un coup de main sous forme de conseils, il en avertit son propre responsable éditorial afin qu'il ne soit pas surpris si l'emploi du temps déborde.

Pour la petite histoire sur l'histoire : de son côté, Fukuda en a un peu marre que les lecteurs votent pour ses planches parce qu'ils aiment ses cases sexy. Le jour où il obtient une série pour un projet à base de motos de course, il exulte. Filles sexys et belles motos : ce gars évolue dans des éléments typiques du shōnen, contrairement au duo Ashirogi (les héros) qui flirte avec les limites entre les genres et sous-genres, touchant ainsi des publics plus variés.

Bakuman-2--ep-13---bImpitoyable avec son élève, le pro du dessin sexy interdit les zooms sous jupe à toute occasion, ceux-là même auxquels on pense dès qu'on associe manga + jupe. Il insiste sur le besoin de réalisme et sur le besoin d'inclure le plan de façon naturelle. Au passage, écarte la scène où le personnage féminin réfléchit dans son bain, même si cela fait des cases sexy. Avis sélénite sur ce point : peut-être que le lectorat shōjo trouverait ça romantique mais j'imagine que celui de shōnen n'est pas supposé le faire.

L'essentiel des conseils qu'il donne pourrait se résumer en : "surtout pas de fan-service évident". C'est là que je pige pourquoi il est réputé pour ses plans. Il ne s'en tient pas à la perfection technique de l'image, et s'interdit la facilité des jupes qui se soulèvent sans raison ou des zooms injustifiés par le scénario.  

Bakuman-2--ep-13---aJe me fais (digression sélénite) la remarque que, dans toutes les orientations que le responsable éditorial (l'un d'entre eux, car ils en changent en cours d'histoire) de Ashirogi fait prendre au duo pour les amener à se former et découvrir ce qui leur convient le mieux, les personnages féminins sexy n'ont pas pointé leur mini-jupe. Or, bien que leurs héros centraux soient tous masculins, il y a toujours un personnage féminin important, voire de tout premier plan. Faut-il supposer que ce responsable éditorial, pourtant assez "gros sabots", a deviné que le dessinateur du duo Ashirogi est très pudique ? Ou alors, il n'y voit pas d'intérêt.

Pour la petite histoire (encore) : pendant ce temps-là, le scénariste Ashirogi se heurte à un problème pas vraiment similaire mais apparenté : la psychologie des personnages féminins. La solution pourrait être de demander à sa copine, mais c'est un "garçon manqué" ! Cette fois, l'enjeu n'est pas, comme pour Aoki, de correspondre aux goûts d'un public donné, mais d'étendre la palette des publics possibles. 

 

Allez... un jour où j'aurai envie de papoter en digressant,
je chercherai quelque chose  dire sur le "oiroke no jutsu" de Naruto
et/ou sur les adultes auxquels il l'adresse.
Autour du fan-service et/ou ses interactions,
y'a sûrement plein d'articles à pondre !

Et faut surtout que je reprenne l'habitude de bloguer
et par conséquent trouve des sujets sur lesquels discourir...
de préférence en variant les thèmes.