[lecture] Li Mou et les barbares
Les histoires de guerre, ça peut être passionnant en fiction, mais quand il s'agit d'Histoire, je trouve ça plutôt flippant. Enfin bon... ça ne m'empêche pas d'écrire quelques bastons dans mes textes et qu'elles soient parfois féroces. Oups... je m'écarte du sujet à introduire.
Le manga Kingdom comporte un assez grand nombre de combats, ce qui n'est que très normal puisqu'il raconte une période de guerres et conquêtes. Celle évoquée par la citation sur la photo ci-dessous n'est pas présentée en détail par la BD, mais y est tout de même évoquée dans le 4° arc, celui de la bataille où le général Ouki trouve la mort, et où Riboku fait sa première apparition.
J'emploie ici les noms tels que figurant dans la BD, mais dans la traduction du Shji disponible en ligne, mais en passant par le japonais avant d'être traduits en français, les idéogrammes se transforment un peu (leur prononciation).
> Ouki > Wang Ki
> Riboku > Li Mou (shiji) > Li Mu ) photo)
> Renpa > Lian Po
J'ai récemment relu l'Art de la Guerre de Sun Tzu que j'avais parcouru il y a un petit quart de siècle. Je l'ai même relu partiellement en plusieurs versions, car j'ai consulté à la fois l'édition papier dont je disposais et une version en ligne sur le site wengutartari.com . La version papier ne comporte pas tout le texte mais se complète de commentaires qu'en ont fait des auteurs postérieurs. Le passage pour lequel je poste cette photo est précisément un de ces commentaires.
Tu Mu nous explique ici comment Riboku / Li Mou / Li Mu a remporté cette fameuse victoire où Xiongnus eux furent tués.
Dans Kingdom, il n'est question que de la puissance de l'armée de Zhao, laquelle armée est employée à ce chapitre sur une autre bataille. Les Xiongnus combattus antérieurement ne sont qu'un détail permettant de décrire la force de frappe.
Une brave vieille ruse, même pas très élaborée !
Sur une autre de mes lectures récentes, à savoir les "trente-six stratagèmes", cela correspond au stratagème 17, intitulé "se défaire d'une brique pour attirer le jade".
Ce bilan de 100.000 morts en une seule bataille me semblait très dur à comprendre, car les Xiongnus étaient des tribus nomades. Les combats avec eux étaient fréquents mais probablement par petites batailles successives un peu partout. Pour atteindre une telle quantité de morts en une seule fois et un seul endroit, il faut qu'un certain nombre de tribus participent... mais si tous ces guerriers se sont réunis pour la bataille, comment ont-il pu être pris par surprise sur leur propre terrain ? Logiquement, on en arrive à accuser une forte supériorité numérique côté Zhao. Un écrasement pareil...
La solution du problème est en fait beaucoup plus simple que ça : les guerriers barbares ne s'étaient pas groupés en tel nombre pour combattre une armée de taille équivalente. Ils croyaient effectuer une frappe opportuniste sur du bétail égaré et des soldats chinois isolés. Stratagème 12 ("prendre la chèvre en passant") ? Même pas ! Une petite expédition de pillage, pratique courante pour une culture de guerriers nomades (et agaçante pour les sédentaires voisins). L'énorme effectif était-il lié à une réunion saisonnière de tribus ? Ou bien juste parce que leur Khan était dans le secteur ? En tous cas, ils n'étaient pas préparés à un affrontement massif et il est même très possible que leurs familles aient été à proximité plus ou moins relative.
Avec ça, on comprend aussi pourquoi le Shiji indique que les Xiongnus ne se sont plus manifestés pendant dix ans. Outre la perte de combattants en cas de rencontre avec l'armée chinoise, il était devenu difficile de considérer la région comme une zone de pillage potentiel. Sans compter que c'était une défaite de toutes les tribus locales en même temps, alors qu'en temps normal, elles étaient touchées distinctement les unes des autres.
Le paragraphe 23 (en bas de page) s'applique aussi à cette bataille.
Juste en passant : j'aime bien le paragraphe 22 de ce chapitre.
Mettre l'ennemi en colère...
Il n'y a pas dans Kingdom des montagnes de combats où cette circonstance joue un rôle majeur, mais la grande importance du sang-froid est tout de même très présente un peu partout, et il y a au moins une bataille où l'impatience est décisive.