Extrait = quand les héros n'obéissent plus...
Yann comprit que cela ne convenait pas aux troupes. Ils avaient immobilisé un commandant des Tigres. Un des plus habiles pilotes de guerre du Cosmos. C'était une victoire suffisante. Faire exploser son appareil ne serait pas à leur goût.
Même mutinés, les Tigres restaient les héros de la Confédération.
Ceux qui avaient pendant des années défendu l'Humanité contre les Envahisseurs.
Peut-être même l'étaient-ils encore plus qu'avant.
Longtemps, Yann avait fait son travail sans lever les yeux vers le lieu de ses décisions. Il s'était contenté des données numérisées qu'on lui présentait, et évoluait dans les salons et les bureaux en croyant que conscience et ambition peuvent rimer. Un jour de colère, fatigué d'être ligoté à son devoir, il avait plongé sa cervelle dans un vidéocasque pour visionner un vieux documentaire sur les spatiocités. Il n'aurait pas dû faire ça. A présent, il doutait. Il comprenait que parmi les soldats placés sous ses ordres, bien peu étaient des Terrestres, et que les Spatiaux n'étaient pas ce qu'on lui avait raconté. Pas des enfants écervelés. Pas des cerveaux préhistoriques dans des boites high-tech. Il avait envié leur force d'âme, leurs rêves, leur patience… et même leurs stupides croyances.
Changer d'opinion aurait été épuisant et téméraire. Lâchement, il se laissait vieillir et attendait qu'on l'envoie crever dans sa belle maison. D'ennui, de sénilité et d’écœurement.
Aux yeux de tous les Spatiaux de la Flotte, les Tigres avaient encore grandi. Cela ne faisait aucun doute. À coup sûr, ils devaient tous être en train de se poser la même question, ces braves pilotes. Que fera-t-on, maintenant, contre ces monstres dégueulasses ? Hé bien, on ne fera rien, mes petits… on ne fera rien parce que ce n'est pas prévu.
La présence de flibustiers auprès des Tigres prouvait deux choses. Une : ces forbans n'avaient pas été aussi bien dégommés par les Envahisseurs qu'on le pensait. Deux : les pilotes STHU étaient moins cons que les ordres qu'on leur donnait.
A nouveau, le ministre des Armées avait envie de vomir. Il s'écœurait. La Planète-Mère l'écœurait. Cette Civilisation au sein de laquelle il avait grandi et à laquelle il avait voué sa vie le faisait gerber. Elle aurait pu être belle. Elle aurait pu être parfaite. Elle était immonde. A force de repousser sans cesse au lendemain le jour d'accomplir le rêve de Dan Morgan et de ses compagnons, on avait fini par le laisser s'écrouler comme un château de sable au soleil.
Qu'aurait-il fait, s'il avait su qu'il existait encore des Fils du Cosmos ? Aurait-il envisagé une négociation avec eux ? L'aurait-on laissé faire ?
Regard rivé à l'écran principal, Yann Upral s'obligea à contempler ce qu'il avait ordonné. Trois stabilisateurs faussés, deux propulseurs arrachés, bouclier magnétique émettant des lumières de mauvais aloi, le chasseur dérivait avec d'autres épaves. Les perturbations incessantes et la quantité de vaisseaux en circulation ne rendaient pas aisé le calcul de sa trajectoire.
Les chacals couraient en tous sens, mais sans oser s'approcher de leur proie déjà inerte.
De longues minutes s'écoulèrent. Yann entendit le général répéter deux fois l'ordre. Même en tenant compte de la distance et du ralentissement des ondes, il fallait supposer une forte hésitation des pilotes. Enfin, l'un d'entre eux se décida. Alors ce fut la curée.
Employé pour le 70° concours d'extraits du forum Jeunes Ecrivains.
(sepembre 2018) Thème "Tyrannie".
Roman "Errances Galatiques".
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Etat du texte
au moment du découpage de l'extrait :
énième peaufinement du texte,
avant bétalecture.
Etat à date de ce post :
idem.