[actu ciné] Tant que tu respires, tu te bats
"Qu'est-ce que la vie ? C'est la petite ombre qui court dans l'herbe et se perd au couchant."
Crowfoot. 1821-1890.
La vie est fragile, et sait pourtant être tenace.
♦ 2016. The Revenant. ♦
♦ Par Alejandro González Iñárritu. ♦
♦ Titre français : The Revenant (titre inchangé). ♦
D'après l'histoire de Hugh Glass, en 1823.
C'est à dire durant le plus bel âge des trappeurs.
L'époque où les peaux valaient de l'or... Celles qui étaient utilisées par les artisans pour fabriquer des manteaux. Celles qui étaient réclamées par les ateliers de mode européens pour confectionner des souliers et des chapeaux.
(la page wiki indique 2015, car sortie limitée le 25 déc aux USA.
J'indique 16, date de la sortie nationale USA et pour autres pays.
La date de disponibilité au grand public, quoi...)
« Dans la tempête, quand tu es sous un arbre,
si tu regardes ses branches, tu as l'impression qu'il va tomber.
Mais si tu regardes son tronc, tu vois bien qu'il est solide. »
Ces mots, Hugh se les répète sans cesse.
Ils lui viennent de sa femme.
Etendu sur le sol, ou bien debout, tourmenté de pensées qui n'ont rien de réjouissant, il lève les yeux vers les arbres qui l'entourent. Dans cette tempête qui n'est pas de vent, les arbres s'agitent de façon inquiétante. Cauchemardesque.
J'ai vu des pages disant de ce film que ce n'est pas un western car il est réaliste, au lieu d'aborder la période selon l'angle du mythe... Première objection à cela (que je pouvais faire avant même d'avoir vu le film) : la ligne éditoriale de la collection Western Actes Sud se définit justement par le fait de montrer "la vie des vrais colons". Va falloir se mettre d'accord entre amateurs de Western, là... Deuxième objection: le tournage est effectué de façon réaliste (très réaliste) mais si j'en crois la page wiki de Hugh Glass, le récit n'est pas strictement fidèle. Troisième objection: si, des mythèmes sont abordés.
D'ailleurs, il est très difficile de raconter une histoire de façon intéressante sans utiliser aucun mythème... Il faut bien faire rêver un peu les auditeurs / lecteurs / spectateurs. Or, depuis la nuit des Temps, qu'on le veuille ou non, les thèmes finissent toujours par revenir. Même s'ils se tranforment.
Que fait cet escargot sur la page ?
Cet escargot est le premier des mythèmes que je viens d'évoquer. Celui du Retour. De la Renaissance. Du Renouveau. Et vous comprendrez ce qu'il vient faire ici en voyant le film (ou avez déjà compris si vous l'avez vu). Cet animal est un symbole très ancien. Il est aussi, bien que cela s'oublie un peu, un très ancien élément de pharmacopée.
Celui-là n'est pas précisément propre au Wild West, mais explique à lui seul le titre du film... Et lui donne un double sens, car l'homme ne revient pas seulement à Fort Kiowa. Il revient aussi d'entre les morts (je ne spoile pas... la pub a suffisamment dit qu'il a été abandonné comme tel).
On trouve aussi le thème, très fréquent dans les Westerns, des heurts entre Blancs et Indiens. Ici les Arikaras, dont une femme a été enlevée, et qui cherchent à la retrouver. Mais qui est le coupable ?
Il sert à développer le mythème de la Haine engendrée par l'Avidité et l'Incompréhension. Le caneva est élégamment tourné, sans insistance abusive.
Il y a aussi, tout simplement, celui des grands espaces. Superbes. Et de la Lutte contre la nature. Ou de l'Harmonie avec elle. C'est selon.
A ce niveau, d'ailleurs, un esprit un peu chipoteur pourrait sans doute râler que, non, c'est pas réaliste. Le gars, dans l'état où on l'a laissé, ne devrait pas pouvoir faire tant de choses tout seul. Notamment se battre avec les rapides directement dans la flotte (je voudrais pas paraître pessimiste, mais l'eau dans les habits en fourrure, ça n'aide sûrement pas à flotter)
Pour chipoter :
Bon... je suis en train de faire un catalogue de mythèmes. Stoppons là.
Et revenons à nos escargots.
« Tant que tu respires, tu te bats.
Respire ! »
Leitmotiv de cet étrange parcours...
Je ne suis pas précisément fan de Di Caprio, en général. Là, pour une fois, j'ai craqué pour ses yeux bleus. Bleu de glace. Ils étaient vraiment très bien, dans ce décor gelé, ce monde dévorant et ébouissant. Tout à fait à leur place. D'autant qu'avec les cheveux et la barbe en broussaille, c'était ce qui ressortait le plus de son visage. Un très bon choix de mise en forme du personnage.
Très bon compromis aussi entre réalisme apparent et mythologie/spirtualité diffuses.
D'une certaine façon, un Western dans la lignée de ceux de l'époque où le genre se donnait mission de relater la Conquête de l'Ouest. Avec plus de réalisme de mise en scène (je me répète), du fait qu'en ce temps-là, les règles cinématogaphiques voulaient qu'on évite le sang, qu'on présente des héros à l'apparence sympathique/attrayante, etc. Bref... Dans la lignée, mais de façon toute relative. Seulement dans l'intention de base, alors ? Non. Dans le tempérament du héros, aussi.
Le réalisme dans les westerns est en fait revenu depuis un moment, mais beaucoup de films US n'arrivent pas jusqu'en France, et la mode western étant passée, la palette qui nous parvient est réduite.
En admettant qu'on ait du mal à le relier à ceux de l'époque "classique", ce film n'appartient en tous cas pas du tout à celle du "Western Crépusculaire", qui n'était au début que sombre et qui est devenu avec le temps de plus en plus obscur. Qui montrait l'Etre Humain sous un jour pessimiste et a fini par atteindre le sinistre...
Quand le soleil descend sur l'horizon, tôt ou tard, il arrive un moment où il disparaît totalement. Il ne lui reste alors, selon la spirale de l'escargot, qu'à réapparaître.
Film vu à l'Eldorado / Dijon.
Le 28 juin, lors de la fête du cinéma.
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J'ai découvert ces jours-ci qu'un Western "Arte"
est en cours de tournage. Voir ICI.
Page Wikipédia du film * & page Allociné *
Page Wikipédia de Hugh Glass * & celle de Fort Kiowa